“J’étouffe”

“J’étouffe”

Hier, j’ai lu dans le 1 le texte de Raoul Peck, réalisateur du documentaire « I am not your negro », intitulé « J’étouffe». Texte puissant, il m’a notamment interpellé sur la place laissée aujourd’hui aux hommes et femmes noir(e)s, et plus largement à l’ensemble des diversités culturelles, dans la fabrique de la ville.  

Alors qu’il se décrit lui-même comme « un homme noir absolument privilégié à tout point de vue », lors de la présentation de l’un de ses films, il a répondu à la question : Pourquoi faites-vous des films ?  « Parce que c’est beaucoup plus convenable que de brûler des voitures. » Des amis ont crû qu’il s’agissait d’un trait d’esprit, précise-t-il ensuite.

Ce texte, qui n’est pas sans rappeler le « J’accuse » de Zola, me conforte dans l’idée de ne pas pouvoir se mettre à la place des autres lorsqu’on conçoit un quartier ou bien un logement, et qu’il est aujourd’hui plus que nécessaire d’impliquer (ou tout du moins de comprendre ou connaitre) l’habitant ou l’usager final d’un lieu, en portant tout au long du processus une véritable attention à son parcours, ses valeurs, sa culture, son histoire de vie, en somme.

Malgré tout, la ville est bien souvent à l’image de ceux et celles qui la conçoive.

Il y a maintenant quelques années, j’ai eu la chance de pouvoir accompagner la Cinéfabrique, école nationale supérieure de cinéma, dans la programmation de son projet de bâtiment. La particularité de cette école lyonnaise est de « revendiquer la diversité de ses étudiants comme sa plus grande richesse. La volonté d’une école ouverte sur la diversité doit s’entendre de façon très large : diversité de territoires, diversité sociale et culturelle, diversité d’âges et de points de vue, d’origines et de niveaux scolaires. Les élèves sont encouragés à cultiver leurs différences. » Pour permettre cette diversité, et donc répondre à l’ambition de l’école d’apporter une mixité parmi ceux et celles qui font des films, le concours n’est pas basé sur des résultats académiques, mais sur la créativité, la motivation, et la capacité des postulant(e)s à « faire ensemble ».

Personnellement, je n’ai pas connaissance de pareille initiative dans le domaine de l’urbanisme. Aussi, je me dis que ce serait une riche idée que de créer une école, ouverte aux diversités, qui formerait les futurs décideurs et décideuses des villes, quel que soit leur discipline : l’aménagement, la conception ou bien la construction. Une école qui valoriserait les parcours de vie, les singularités, une école qui serait pleinement représentative de la diversité de la France, de ses habitant(e)s et de ses territoires.

L’idée est ambitieuse, mais les défis à relever pour faire une ville autrement le sont encore plus!